Avec « Errance dans le pays de l’oubli », CONSTANZA AGUIRRE nous livre le dernier élément d’une trilogie initiée avec « Anonymes, oubliés, disparus, apparus » et poursuivie avec « Quieren carne de hombres ». Cet ultime opus prend place, tant par sa forme essentielle – panneaux similaires chromatiquement homogènes – que par sa substance – une véritable odyssée de l’espèce –, dans le droit fil des créations précédentes.
Mais, à travers une double rupture qui permet l’expression de de sa signification propre, ce troisième acte acquiert une double personnalité – tout à la fois incontestable d’un tout et sujet irréductiblement singulier – qui fonde son intérêt.
Première rupture, l’avènement de l’individu : les silhouettes proto humaines – inviduelles ou collectives – des premiers actes singularisent, elles prennent corps. Sur chaque panneau apparaît un être particulier, notre semblable. Seconde rupture, l’irruption du faire : chaque protagoniste est non seulement doué de mouvement, mais d’un mouvement spécifique, celui de faire, de créer.
L’irruption conjuguée de l’individu et du faire dévoile le sens spécifique de ce dernier opus de la trilogie : la médiation du faire, de la création, parce qu’elle permet une puissance d’appropriation du réel et appelle – aurant qu’elle nourrit – individuation sociale, constitue un passage obligé pour une affirmation supérieure de l’humanité.
Cette dialectique de l’appropriation du réel et de l’individuation sociale permettent de se libérer de cette errance dans l’espace et dans le temps, point de départ de l’odysée de l’espèce. Cependant, sans se donner en permanence les moyens de cette libération, l’humanité se condamnerait à son extinction.
La force du travail de CONSTANZA AGUIRRE tient à ce qu’il atteste de l’importance du concours permanent de l’art – ici la peinture – comme figuration significative dynamique à la réalisation de cette exigence vitale.
Gérald SOUILLAC